Les pertes de cultures dues aux corvidés : quelques explications !

Birds in the sky

Les agriculteurs constatent une recrudescence des populations de corvidés (corneilles, corbeaux, choucas) qui s’accentue depuis 5 à 6 ans. C’est donc l’effet de masse de ces populations d’oiseaux sur les cultures qui peut engendrer des pertes très importantes  allant jusqu’à 50% des semis. Ce phénomène est particulièrement préjudiciable pour la culture du maïs bio, dont la pression est accrue par le décalage spécifique du semi au cours de la saison mais s’étend également à d’autre type de cultures dont les céréales d’hiver, les pois ou les haricots. Des oiseaux tels que la corneille noire, le choucas des tours, le corbeau freux, la pie bavarde et le pigeon ramier viennent dans les champs se nourrir des graines à peine germées, provoquant d’important dégâts, allant jusqu’à la destruction de plusieurs hectares de cultures. L’agriculteur est alors démuni et obligé de ressemer sa culture, s’il n’est pas trop tard. Dans ce cas, il ne bénéficiera d’aucune indemnisation pour la perte de la culture subie car ces oiseaux sont des espèces protégées dans notre région. Ces oiseaux s’attaquent également aux grains de raisins dans les vignes.

Les populations riveraines sont encore très peu sensibilisées à cette problématique et à l’impact engendré sur les cultures des agriculteurs de leur région. Cette situation conduit à une incompréhension par rapport aux méthodes mises en place par les agriculteurs pour contrecarrer cette prédation et dans certains cas à la détérioration des moyens mis en œuvre. 

Les riverains ne comprennent pas que l’on doive lutter contre les corneilles par des méthodes d’effarouchement et c’est très mal perçu. Notre matériel d’effarouchement a été saccagé à trois reprises. »

(Parole d’agriculteur)
La corneille provoque-t-elle vraiment des dégâts dans les cultures ?

La corneille fait partie des corvidés tout comme le corbeau et le chouca. Ce sont des oiseaux intelligents qui possèdent une forte capacité d’adaptation aux mesures répulsives mises en œuvre par nos agriculteurs (épouvantails, plastiques colorés, canon bruiteur, , etc.).

Les corvidés provoquent des dégâts dès le  semis ou au stade de jeunes pousses. Ils consomment alors les semences qu’ils déterrent avant leur levée lorsqu’elles sont semées trop superficiellement. Ils sont aussi capables de déterrer et de consommer les jeunes pousses, souvent de maïs, lorsqu’ils sont à la recherche de graines. Les dégâts sont facilement repérés par de petits trous formés à l’emplacement du semi de la graine ou de la jeune plantule ou lorsque   la tige de la plante est couchée sur le sol.

L’étendue des dégâts causés par les corvidés varie fortement d’une année à l’autre. La présence d’arbres et autres zones de refuges pour ces oiseaux à proximité des cultures sont des facteurs favorisant leur présence et  les dégâts engendrés. Les dégâts peuvent être faibles au niveau d’une région mais  très importants au niveau d’une parcelle touchée.

On observe régulièrement entre 300 à 400 individus sur nos cultures et c’est donc cet effet de masse qui pose un problème à nos cultures. On constate une augmentation exponentielle des populations de corneilles depuis 5 à 6 ans. 

(Parole d’agriculteur)
La population de corvidés est-elle réellement en augmentation ?

Selon la Ligue Royale pour la Protection des Oiseaux qui ressence les populations, les effectifs de corneilles noires sont de plus en plus importants en Wallonie. Les populations de corneilles et de corbeaux sont en augmentation alors que la population des choucas des tours est considérée comme stable.

Les corneilles, corbeaux et choucas sont protégées en Wallonie (Art.2 de la loi du 12 juillet 1973 sur la protection de la nature). Des lors, la loi prévoit qu’il est interdit :

  1. De piéger, de capturer ou de mettre à mort ces oiseaux protégés quelle que soit la méthode employée ;
  2. De perturber intentionnellement les oiseaux protégés, notamment durant la période de reproduction et de dépendance des oisillons ;
  3. De détruire, d’endommager ou de perturber intentionnellement les oiseaux protégés, d’enlever ou de ramasser leurs oeufs ou nids, de tirer dans les nids

La loi prévoit cependant qu’une dérogation aux réglementions précitées peut être octroyée par l’Inspecteur général du Département de la Nature et des Forêts afin de prévenir de dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux.

« La prédation des corneilles touche maintenant toutes les cultures même les céréales d’hiver alors qu’il y a deux ans ces cultures n’étaient pas impactées et c’est plus de 50% du semi qui peut être perdu. Les prélèvements par les corneilles ont lieu au moment de la levée et c’est très rapide.

(Parole d’agriculteur)
Quelques sont les moyens dont disposent les agriculteurs ?

A côté de quelques recommandations au moment du semis, les moyens sont très limités et peu efficaces sur la durée car les oiseaux s’y adaptent rapidement. Dans la mesure du possible, l’agriculteur va privilégier un semis suffisamment profond, en évitant de laisser des grains en surface et de réaliser un semi décalé par rapport à ces voisins agriculteurs. Le roulage des parcelles permet un enfouissement des semences afin d’éviter le repérage des lignes de semis par les oiseaux.

Malheureusement, ces techniques ne sont pas toujours applicables en fonction des conditions climatiques. Pour exemple, en culture bio, le maïs est semé plus tard qu’en agriculture conventionnelle afin d’attendre des conditions optimales pour pouvoir gérer les mauvaises herbes au sein de la culture. Ceci conduit à une pression accrue sur les cultures de maïs bio décalées. C’est la même dynamique de prédation que l’on observe sur des céréales d’hiver.

En agriculture conventionnelle, il est possible d’enrober les semences avec un répulsif mais celui-ci s’avère peu efficace en cas d’attaque importante. De plus, la plupart de ces traitements sont interdits en Belgique.

L’effarouchement des oiseaux peut être réalisé avec des drapeaux scintillants, des épouvantails, des cerfs-volants, des ballons imitant les rapaces, prédateurs naturels des corvidés. Mais comme nous l’avons déjà relevé, ces oiseaux sont intelligents et se rendent vite compte qu’il n’y a pas réellement de danger. L’exposition de cadavres d’oiseaux, même si son utilisation est contestée, est légale en Belgique. L’utilisation de canons effaroucheurs  est actuellement le système le plus utilisé car il est efficace sur une plus longue durée.

L’utilisation de rapaces, prédateurs naturels des corvidés, est parfois préconisée. Cependant les corneilles semblent aptes à s’en défendre et cette méthode est difficile à mettre en œuvre.

« On constate que les corneilles se mettent en bande et attaquent même les rapaces tel que les buses. Elles sont donc très organisées et notamment dans leur comportement d’approche des cultures. 

(Parole d’agriculteur)

Les agriculteurs ont également la possibilité de demander des dérogations pour piéger les corvidés. Des cages sont alors placées en bordure du champ avec de la nourriture. Une fois qu’une cornaille est  piégée, les autres individus suivent plus facilement. Les oiseaux  sont alors tués. En cas d’attaques répétées, et si les moyens cités précédemment n’ont pas fonctionnés, l’agriculteurs peut demander une dérogation pour abattre les oiseaux par tire. En effet, comme ceux-ci sont des espèces protégées, on ne peut les abattre légalement qu’en demandant une autorisation. Encore faut-il qu’un chasseur soit intéressé et disponible pour effectuer ces tirs, ce qui n’est pas toujours le cas.

Si vous trouvez un corvidé piégé dans une cage, vous pouvez prendre contact avec l’agriculteur ou avec le Département Nature et Forêt de votre région afin de vous assurer qu’une autorisation de capture a bien été octroyée.

Le fait de mettre à mort des animaux n’est clairement pas le but de notre métier mais nous nous trouvons dans une situation qui met à mal nos cultures et donc notre exploitation.

(Parole d’agriculteur)
Pourquoi les agriculteurs privilégient-ils des canons d’effarouchement par rapport à d’autres méthodes ?

Le canon d’effarouchement est actuellement le moyen le plus accessible et efficace pour éloigner les corvidés, c’est pourquoi les agriculteurs l’utilise régulièrement.

La plupart des agriculteurs essayent de ne pas indisposer leurs voisins, notamment en ne faisant pas fonctionner le canon trop tôt le matin mais  cela peut néanmoins provoquer des nuisances sonores. Il faut aussi être conscient que le canon d’effarouchement ne fonctionnera que sur une période limitée à quelques semaines, le temps de permettre la levée des plantes.

Canon effaroucheur dans un champ de maïs

L’utilisation des effaroucheurs sonores, que dit la loi ?

Le code pénal précise des règles concernant le tapage nocturne et certains types d’établissements qui sont sources de bruits la nuit. Des règles supplémentaires existent dans les règlements de police communaux. A notre connaissance il n’y a pas de règles spécifiques concernant l’utilisation de canons à gaz par les agriculteurs dans le cadre de l’exercice de leur profession.

Concernant le tapage nocturne il n’est fait mention d’aucune heure mais « les faits doivent s’être produits la nuit, c’est-à-dire pendant l’espace de temps qui suit le crépuscule réel du soir jusqu’au crépuscule réel du matin ». Le tapage nocturne se définit comme tout bruit créant un sentiment d’insécurité ou troublant la tranquillité des habitants durant la nuit. En cas de non-respect, la personne encoure des risques de sanctions pénales.

Le tapage diurne concerne tous bruits causés sans nécessité légitime troublant la tranquillité et la commodité des habitants. Même si le tapage diurne n’est pas repris dans le code pénal, il est interdit (délit).

Il convient donc de vérifier dans le règlement de la zone de police ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas en matière de nuisance sonores, le jour et la nuit, et de voir dans quelle mesure l’utilisation de canons effaroucheurs est réglementée ou pas.

Que faire en cas de nuisance sonores ?

Le riverain peut commencer par essayer de discuter avec l’agriculteur qui utilise un canon à gaz. Celui-ci n’a pas toujours conscience du bruit de cet outil et de la nuisance sonore qui peut en résulter. Les solutions sont parfois simples : orienter le canon dans une autre direction ou diminuer la fréquence des détonations (les fabricants indiquent qu’il n’y a pas de plus-values à avoir une fréquence plus rapprochée que 15 à 20 minutes).

Une autre possibilité est de contacter l’agent de quartier ou la commune qui pourra jouer le rôle de médiateur en vue de trouver un arrangement. Il est également possible de prévenir la zone de police qui pourra venir sur place pour constater et objectiver les faits.

En tout dernier recours, il est possible de demander une conciliation au juge de paix. La conciliation est gratuite et volontaire. Ce sera au riverain et à l’agriculteur de trouver un accord. Si cet accord abouti, un procès-verbal de conciliation est rédigé par le juge de paix. Cet accord devient obligatoire. Il a la même valeur qu’un jugement. Si la conciliation est impossible, la demande peut être faite au juge de trancher le problèmeLe juge de paix a un large pouvoir d’appréciation.

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