Comment concilier travaux agricoles et vie à la campagne ?

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Les communes rurales sont fréquemment interpellées par leurs résidents qui se plaignent de nuisances liées à l’activité agricole. A l’inverse, les agriculteurs se disent de plus en plus souvent victimes du comportement de certains riverains : dépôts de déchets, violation de propriété privée, menaces et agressions verbales … Petit tour d’horizon des droits et des obligations de chacun.

Pourquoi les agriculteurs doivent-ils travailler le weekend ?

Les agriculteurs travaillent en fonction des saisons et la météo, certains travaux aux champs n’attendent pas : au printemps, l’agriculteur sème les céréales et les cultures de printemps. C’est aussi la période où il pulvérise et épand ses engrais et où le bétail retourne en pâture. L’été est la saison des moissons. A l’automne c’est l’arrachage des betteraves et pommes de terre et la récolte du maïs. L’agriculteur profite de cette saison pour les semis d’hiver, les labours, l’épandage du fumier et des effluents d’élevage. L’hiver est une période en général plus calme, qui coïncide avec la rentrée du bétail dans les étables et les soins aux animaux. Pour les exploitations avec des vaches laitières, la traite a lieu matin et soir, toute l’année.

L’article 66 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail stipule que les travailleurs d’une liste spécifique d’entreprises peuvent être occupés le dimanche (art. 66 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail); l’exécution de travaux agricoles urgents ou indispensables, en fait partie. Par ailleurs, le Règlement général de police de la plupart des villes et communes de Wallonie autorise les agriculteurs à travailler la nuit, le dimanche ainsi que les jours fériés.

Traitements phytopharmaceutiques

En ce qui concerne plus spécifiquement les pulvérisations, les agriculteurs mettent en place la lutte intégrée, c’est-à-dire qu’ils ne traitent qu’en dernier recours, sur base des observations qu’ils ont réalisée aux champs. Depuis le 25.11.2015, ils doivent disposer d’une phytolicence garantissant une utilisation de ces produits, responsable et respectueuse de l’environnement ainsi que de la santé humaine. Leur pulvérisateur doit également passer un contrôle technique très poussé tous les 3 ans.

Pour un traitement optimal et limiter la volatilisation des produits, les agriculteurs ne peuvent pas débuter une pulvérisation quand la vitesse du vent est supérieure à 20 km/h et ils évitent également de traiter aux heures les plus chaudes[1]. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir des agriculteurs intervenir très tôt le matin ou tard le soir pour profiter de la rosée qui améliore l’efficacité du traitement et limite la dérive éventuelle.

Epandage d’engrais organique…

La règlementation sur la gestion de l’azote et les engrais est extrêmement complexe. Chaque année, durant les périodes autorisées[2] les agriculteurs épandent les engrais organiques produits par leurs animaux (lisier, fumier, fientes, …) sur leurs cultures et leurs prairies. Les engrais naturels sont riches en azote et en phosphore. Ils permettent de fertiliser les champs et les prairies.

On distingue deux catégories de fertilisants organiques : Les engrais à action lente, il s’agit principalement du fumier de bovins, équins, ovins, porcins compost de déchets verts, compost de fumier de bovin, écumes de sucrerie ou papeterie, etc. Les engrais à action rapide qui sont principalement les effluents volailles (fientes ou fumier), les lisiers (porcs, bovins etc..) mais également les fumiers mous.

Pour les engrais organiques à action rapide, l’agriculteur ne peut pas les épandre sur un sol gelé ou sur une terre non-couverte de végétation sauf si l’effluent est incorporé au sol dans les 24 heures suivant son application.

L’agriculteur doit placer ses tas de fumiers à minimum 25 mètres de toute habitation et les déplacer chaque année quand ils sont placés aux champs à même le sol. Ils ne peuvent en aucun cas empiéter sur l’accotement et la voie publique. Les dépôts ne peuvent masquer la visibilité des usagers de la route.

Les tas de fumier ne sont pas des décharges publiques, il est absolument interdit d’y déposer vos déchets, quels qu’ils soient (même les tontes de pelouse)! De plus en plus d’agriculteurs constatent également des dépôts de déchets clandestins dans leurs champs et leurs prairies. Ces déchets peuvent entrainer des problèmes à la récolte ou même tuer des animaux (morceaux de canettes avalés par exemple).

Certaines communes imposent des règles supplémentaires (règlement de police validés par les autorités communales) et qui viennent se rajouter aux règles fixées. Ces règles supplémentaires concernent principalement les épandages (température, pluviométrie, …) et le stockage des fumiers au champs (distance par rapport aux habitations de 50 à 200 m).

Qu’en est-il de la propreté des routes et des fossés de nos campagnes?

Selon l’Article 7.3 du code de la route (arrêté royal du 1 décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique)

« Il est défendu de gêner la circulation ou de la rendre dangereuse, soit en jetant, déposant, abandonnant ou laissant tomber sur la voie publique des objets, débris ou matières quelconques, soit en y répandant de la fumée ou de la vapeur, soit en y établissant quelque obstacle. »

Lorsque la chaussée est rendue dangereuse ou gênante pour la circulation, il faut prendre les mesures adéquates pour procéder au nettoyage.

La responsabilité de l’agriculteur peut être engagée lorsqu’un engin agricole laisse de la boue sur la chaussée et provoque par exemple de ce fait un accident de la circulation. C’est à l’automne, lors de la récolte ou du chargement des betteraves et des chicorées que le problème se pose généralement.

La date de récolte est imposée par la sucrerie, les délais de récoltes sont assez courts, c’est une période chargée pour l’agriculteur. S’il ne sait pas le faire directement, l’agriculteur peut apposer des panneaux de signalisation ad hoc.

Est-ce que j’ai le droit de me promener dans un champ ou une prairie ?

Les champs et les prairies sont des propriétés privées, il est interdit d’y marcher, rouler, (promeneur, engin motorisés, chevaux, …). Cela peut occasionner des dégâts aux cultures. Le champ parait nu mais il vient peut-être d’être semé.

Il arrive cependant que des sentiers (balisés ou non) traversent des champs ou des prairies ou passent entre 2 parcelles de culture. Le promeneur peut les emprunter uniquement si le chemin ou sentier est repris à l’Atlas de voiries communales ou fait l’objet d’une servitude. Le promeneur doit cependant faire preuve de respect et de prudence. En effet traverser une prairie où il y a des animaux peut être très dangereux : pour vous, comme pour eux. Les chevaux peuvent être stressés par la présence d’intrus, les taureaux ou les jeunes génisses sont parfois très nerveux, il y a de nombreux accidents chaque année.

Un exploitant agricole ou éleveur ne peut fermer une voie publique (servitude, sentier vicinal) traversant ses champs ou prairies, il doit prendre les mesures nécessaires pour que le public puisse traverser la prairie en toute quiétude. Afin d’assurer la continuité d’un itinéraire, l’agriculteur peut placer des tourniquets ou des portillons aux limites d’une prairie afin de maintenir le passage des piétons tout en garantissant l’efficacité de la clôture pour le bétail. L’exploitant peut placer des avis aux abord de la parcelle, en vue d’inviter les usagers à une certaine prudence et à ne pas effrayer les animaux. Cependant ces avis ne peuvent pas faire état d’un danger ou prévenir d’un dégagement de responsabilité.

Pour aller plus loin….

Les gestes à éviter pour les animaux en prairie

De nombreuses communes proposent une charte de la ruralité afin de rappeler à chacun ses droits et devoirs. Les agriculteurs s’engagent à réduire, autant possible, les désagréments entraînés par leurs activités et les riverains reconnaissent le caractère rural et l’importance de l’activité agricole et sont appelés à davantage de bienveillance envers les agriculteurs.

Le « Collectif Référentiel Phyto »[3] a rédigé un document appelé « Référentiel du Vivre Ensemble » qui a pour but de renouer le dialogue entre les parties prenantes (Agriculteurs, riverains, communes, associations locales,) ouvertes au dialogue notamment sur la problématique des produits phytopharmaceutiques. Il permet d’expliquer les pratiques existantes et les obligations légales, relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Le but est de recréer un cadre afin de favoriser la communication entre les agriculteurs et les riverains ainsi que la prise d’engagements volontaires. Une première phase pilote a été mise en place en 2019 sur 10 communes mais a malheureusement été freinée par la crise sanitaire.


Référentiel du vivre ensemble

Un projet de décret pour harmoniser les relations entre agriculteurs et riverains est également à l’étude.


[1] La température idéale pour la plupart des traitements se situe entre 12 et 20°C et l’humidité relative soit comprise entre 60 et 95 %.

[2] Les périodes durant lesquelles l’épandage est autorisé dépendent du type d’engrais de ferme utilisé d’élevages (fumier, lisier, fients, …), de la localisation de la parcelle (et de sa destination (champs ou prairie). https://protecteau.be/fr/nitrate/agriculteurs/epandage

[3] Le Collectif Référentiel Phyto regroupe le Bauernbund, la FUGEA, la FWA, la FWH, le Collège des Producteurs, le Comité régional PHYTO, PROTECT’eau, le CRA-W, le SPW DGO 3, l’Institut Eco-Conseil, l’ISSeP, Natagriwal et l’Union des Villes et Communes de Wallonie.