Contamination des œufs par les PFAS, où en est-on ?

Salmonelle – oeufs

PFAS, de quoi parle-t-on ?

Les PFAS sont des substances per- et polyfluoroalkyles. Il s’agit d’un groupe diversifié de substances synthétiques utilisées dans le cadre d’applications très variées : lubrifiants, cosmétiques, peintures, emballages alimentaires, pesticides, électronique, aéronautique, … (1). Ce qui explique en bonne partie leur dispersion partout dans l’environnement

D’autre part, la plupart des gros problèmes de pollutions par les PFAS sont dus à des rejets industriels mal gérés (dans l’air et/ou dans l’eau) d’entreprises fabriquant ou utilisant des PFAS (voir par exemple le cas médiatisé de l’entreprise 3M à Anvers).

Les PFAS sont très persistants et très mobiles dans l’environnement. Ils sont donc omniprésents dans l’environnement (air, sol, eau) et contaminent les êtres vivants dont l’Homme.

Pour la population générale, la principale source d’exposition à ces substances est l’alimentation. En effet, les PFAS peuvent s’accumuler dans les aliments, en particulier les produits de la mer, les œufs et les viandes mais peuvent être également retrouvés dans les eaux destinées à la consommation humaine. Du fait de leur volatilité et mobilité dans l’environnement, l’exposition des PFAS peut également se faire via l’inhalation de poussières. Enfin, la voie cutanée représente la dernière source de contamination possible, lors de contact direct avec des produits de consommation contenant ces composés (2).

Quelle est la situation actuelle en Wallonie, en particulier concernant la production d’œufs ?

En Wallonie, plusieurs zones sont connues pour leur contamination aux PFAS. Les zones d’investigation prioritaires (ZIP) incluent Chièvres, Feluy-Ecaussinnes, Nimy-Obourg, et Nandrin. Des communes comme Chièvres, Ronquières, Nandrin et Florennes ont montré une surexposition aux PFAS, notamment dans l’eau du robinet (14). 

Une surveillance environnementale à grande échelle est mise en place avec un monitoring des PFSA qui s’intensifie et concerne désormais les eaux de distribution, les eaux brutes, les nappes souterraines, les sols, les boues des stations d’épuration et eaux de surfaces avec des protocoles renforcés. Les efforts sont ciblés sur les ZIP et des campagnes complémentaires sont menées autour des zones sensibles, comme les aéroports (14).

Le Gouvernement wallon a anticipé d’un an environ le cadre réglementaire européen en matière d’eau potable, devançant l’application de la norme PFAS fixée à 100 ng/l (0,1 µg/l) dans l’eau de distribution, en vigueur depuis le 20 février 2025. Depuis 2023, aucun dépassement de cette norme n’est observé, grâce à un monitoring étendu sur l’ensemble des ressources en eau potable (14).

Entre novembre et décembre 2024, un deuxième audit a démontré la présence limitée et diffuse des PFSA dans les eaux et boues wallonnes. La vigilance reste cependant de mise et les efforts se poursuivent pour mieux protéger l’environnement et la santé publique. Les analyses ont porté sur 457 stations d’épuration (eaux de sortie). 106 échantillons ont été prélevés sur les boues dans 105 sites. Les résultats ont mis en évidence (15) :

  • Eau :  8 PFAS mais à des fréquences faibles (entre 0,4% et 6,2% des échantillons) et une concentration médiane, pour tous les composés, inférieure à la limite de la quantification.
  • Boues : 13 PFAS détectés dans les boues valorisées en agriculture (PFOS, PFDA et PFDoDA dans plus de 90% des échantillons mais aucun échantillon >400 µg/kg MS pour la synthèse des 22 PFAS étudiés)

Au niveau des risques dans les œufs, l’AFSCA (Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire) est compétente pour contrôler les produits entrant dans la chaîne alimentaire, c’est-à-dire ceux destinés à la vente.  En 2023, 45 échantillons d’œufs (de l’exploitation agricole au commerce de détail) ont été analysés pour les PFAS. Un seul échantillon était non-conforme : il provenait d’un petit élevage situé en zone à risque. Les actions nécessaires ont été prises, et l’entreprise suivie par l’AFSCA (Les résultats 2023 des analyses menées par l’AFSCA sur les PFAS sont rassurants : seuls 4 échantillons sur un total de 370 sont non conformes | Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) ». Les résultats des analyses menées jusqu’à présent ne justifient pas selon l’AFSCA, de mesures supplémentaires concernant les œufs mis sur le marché.

Il y a-t-il plus de risques de consommer des œufs issus d’élevages de plein air ?

Le contact des poules avec le sol, et donc par extension l’élevage en plein air, dans des zones où le sol est pollué par des PFAS est identifié comme un facteur de risque de contamination des œufs par les PFAS présents dans le sol ; notamment par l’ingestion de vers de terre, de terre ou de végétaux. Ce risque est fortement limité dans le cas d’élevages professionnels du fait d’une gestion pointue de l’alimentation (analyses des sources d’alimentation et gestion du mode d’alimentation). (3) (4)

D’autres facteurs de risques ont été identifiés comme pouvant augmenter le taux de PFAS dans les œufs : amendement en cendres, type d’aliments (déchets de légumes p.ex), dépôt des aliments sur le sol, nature de l’eau et présence d’un mur dégradé (peinture contaminée) (3).

Ce qui ressort de ces différentes études c’est que, plus que le mode d’élevage ‘plein air’ ou ‘hors sol’, le facteur de risque le plus important actuellement est le mode d’élevage ‘particulier’ vs ‘professionnels’. En effet les concentrations en PFAS dans les œufs des particuliers sont significativement supérieures[1] à celle que l’on peut retrouver dans les œufs des élevages professionnels dans les zones où les sols sont contaminés par des PFAS. (3) (4).

Selon l’étude de l’Agence Régionale de Santé, Isle-de-France (3), menée dans des poulaillers de ponte non professionnels, différents éléments expliquent les risques accrus de contaminations des œufs issus de ces élevages : pratiques d’élevage très hétérogènes, alimentation plus ou moins équilibrée (les poules recherchent plus systématiquement dans le sol le compléments de leur alimentation),  contaminations de sols également diverses, poules présentes plusieurs années par rapport aux poules issues des élevages professionnels. Une poule pondeuse présente depuis plusieurs années a plus de risques d’être contaminée par rapport à une pondeuse issue d’un élevage professionnel qui garde ses animaux quelques mois. A cela s’ajoute le fait que le contrôle du respect des réglementations européennes portant sur les denrées alimentaires est très strict, assurant une meilleure exposition des volailles. Différentes études en France, comme dans d’autres pays, ont démontré que les œufs de poules domestiques sont statistiquement plus contaminés par rapport aux œufs du commerce, quel que soit le mode d’élevage (cage aménagée, sol, plein air, Bio).

Spécifiquement à l’œuf, celui-ci n’est pas le seul produit avec des risques de contamination par les PFAS. De nombreux produits du quotidien sont concernés. Ces substances peuvent s’accumuler dans l’organisme et provoquer différents troubles : diminution de la réponse immunitaire, troubles lipidiques et potentiellement des cancers (12)


[1] Somme des PFAS (µg/kg poids frais) de 1.30 chez les professionnels vs 2.00 chez les particuliers dans l’étude française (limite règlementaire : 1,7). Somme équivalent PFOA (ng PEQ / g) de 0.058 à 0.078 chez les professionnels vs 0 à 101 chez les particuliers dans l’étude Néerlandaise

Quels sont les risques pour la santé ?

Les 4 effets potentiels sur la santé ayant un niveau de preuve scientifique suffisant par les National Academics of Sciences, Engineering and Medicine (NASEM) sont (10):

  • La diminution de la réponse immunitaire à la vaccination
  • La dyslipidémie (=troubles des lipides sanguins)
  • La diminution du poids de naissance
  • L’augmentation du cancer du rein

La diminution de la réponse immunitaire à la vaccination constitue l’effet le plus critique pour la santé humaine (9), (3). Les troubles hormonaux et reproducteurs sont également cités ; les PFAS jouant un rôle de perturbateurs endocriniens qui peuvent affecter la fertilité, augmenter les risques de fausses couches et avoir des effets sur le développement fœtal (9). Un risque accru de certains cancers est relayé également. Certains PFAS, comme les PFOA, sont classés comme cancérogènes possibles par l’OMS (11), (12), (13). Les PFAS peuvent également augmenter le taux de cholestérol, affecter le foie et contribuer à des problèmes de croissance chez les enfants (10), (11).

Pour Alfred Bernard, toxicologue, professeur émérite de UCLLouvain, les personnes au sommet de la liste des personnes à risques sont les femmes enceintes et les bébés jusque 6 mois.

Que faire maintenant ?

Pour les œufs issus d’élevages professionnels les contrôles de routines et les analyses menées par l’AFSCA, ainsi que les pratiques professionnelles pour la gestion de l’élevage et de l’alimentation en particulier permettent de garantir aux consommateurs des œufs sains (5). Les professionnels peuvent toutefois réaliser des analyses afin de communiquer les teneurs réelles en PFAS de leurs œufs ainsi que se baser sur les zones à risques identifiées par la région pour rassurer leurs acheteurs. (6) (7) (2)

Pour les œufs issus des élevages chez les particuliers il est conseillé d’adopter les pratiques suivantes : ne pas épandre de cendres dans le poulailler, alimenter ses poules avec des aliments professionnels mis à disposition dans des contenants (trémies) pour éviter le contact avec le sol et s’assurer d’une alimentation suffisante et de qualité (3) (8). Comme pour les professionnels, il est possible pour les particuliers qui le souhaitent de faire analyser leurs œufs afin de s’assurer que les teneurs en PFAS ne présentent pas de risques pour la santé. Les analyses peuvent se faire au Service Pédologique de Belgique (6) (7).

Sources pour en savoir plus :

(1) Synthesis report on understanding perfluoropolyethers (PFPEs) and their life cycle, OECD, 2024. P.27, Consulté le 30/06/2025  https://www.oecd.org/en/publications/synthesis-report-on-understanding-perfluoropolyethers-pfpes-and-their-life-cycle_99ee2d3e-en.html

(2) L’environnement – santé en Wallonie / PFAS, nc, Wallonie Environnement SPW. Consulté le 30/06/2025 https://environnement.sante.wallonie.be/pfas

(3) Contamination des œufs de poules par des polluants organiques persistants : étude dans 25 poulaillers en Île-de-France, ARS, 2024. Consulté le 30/06/2025 https://www.iledefrance.ars.sante.fr/etude-contamination-oeufs-polluants-organiques-persistants

(4) Risk assessment of PFAS through consumption of home-produced eggs in the Netherlands, RIVM, 2025. Consulté le 30/06/2025 https://rivm.openrepository.com/entities/publication/5cf2e273-00bd-403b-be62-74630c9c7575

(5) FAQ PFAS, AFSCA, nc. Consulté le 30/06/2025 https://favv-afsca.be/fr/faq-pfas

(6) Analyse des PFAS dans vos œufs, Service Pédologique de Belgique ASBL, 2025. Consulté le 30/06/2025 https://www.bdb.be/fr/nouvelles/bient%C3%B4t-disponible-analyse-des-pfas-dans-vos-%C5%93ufs

(7) Test de sol PFAS plus, Testerpourpfas.fr, nc. Consulté le 30/06/2025 https://testerpourpfas.fr/fr/Test-de-sol-PFAS-plus

(8) Petit guide de l’autoconsommation en toute sécurité, Ministère de la santé et de la prévention, 2022. Consulté le 30/06/2025 https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/2023_09_guidesanitaire_autoconsommation.pdf

(9) Pfas ou polluants éternels et santé au travail : explications de l’INRS – Actualité – INRS. Consulté le 01/07/2025

(10) Effets potentiels des PFAS sur la santé (fiche technique) | Institut national de santé publique du Québec. Consulté le 01/07/2025

(11) Les PFAS, des polluants éternels | En Marche. Consulté le 01/07/2025

(12) PFAS : des substances chimiques très persistantes | Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Consulté le 01/07/2025

(13) PFAS : dangers, législation suisse et l’engagement de BICO. Consulté le 01/07/2025

(14) PFAS : renforcement du plan d’actions régional– Wallonie. Consulté le 03/07/2025

(15) Deuxième audit PFAS en Wallonie : des résultats encourageants mais une vigilance maintenue – L’Environnement en Wallonie. Consulté le 03/07/2025