Interview de Laurent Streel (Horticulture comestible)

Laurent Streel KR

Laurent Streel travaille dans sa ferme familiale à Othée (province de Liège). Il est producteur en bio de pommes, poires, pommes de terre, carottes, chicorée, … et de cerises de table en production intégrée. Laurent Streel est également membre de l’IFELW. Il travaille au développement de la marque de produits transformés WALBIO/NOVAFOOD à Awans.


1) Selon vous, pourquoi est-ce important de mieux faire connaitre votre métier aux consommateurs ?


« Selon moi, il faut communiquer sur la valeur des choses. Pourquoi le produit est vendu à un tel prix ? Derrière un prix, il y a des hommes, il y a du travail qui est effectué par un producteur qui a cultivé pendant une année sa production. A côté de cela, il y a une chaîne de valeurs qui se créé. Il y a des gens qui ont vendu des biens et des services : des fournisseurs d’intrants, de phytos, d’engrais, du carburant, du matériel, de la main-d’œuvre, etc. Il y a des fournisseurs de contrôle également ainsi que des coopératives de producteurs qui s’occupent de la commercialisation, des transporteurs, des commerçants, etc. Il y a tout une chaine de valeurs qui se créé autour de la production agricole. Si elle est consommée localement, cela permet de recréer de la valeur dans la région où cela est produit. Par exemple, nous engageons des saisonniers et malheureusement on ne trouve pas de saisonniers belges. On préférait travailler avec des saisonniers belges à qui on verse de l’argent qui va être dépensé dans l’économie locale. Voilà ce qui est important de mieux faire connaître aux consommateurs, selon moi. »

2) Quel est le sujet sur lequel il vous parait le plus important de combattre les préjugés ?

« Le fait que l’agriculteur se plaint toujours, qu’il touche beaucoup de subsides de l’Europe, etc. J’ai beaucoup de contact avec la société, autre qu’agricole, et quand il y a un problème ou autre, mes copains me disent que je vais avoir des subsides et que ça ira. Il faut expliquer aux gens d’où viennent ces primes que l’on obtient de l’Europe. Je pense que l’on ne communique pas assez dessus. Il faudrait faire comprendre aux consommateurs que ces primes européennes ont été installées parce que l’agriculture a été sacrifiée sur l’autel du commerce mondial. C’est-à-dire que pour pouvoir vendre des biens et des services dans d’autres pays, on a importé des produits agricoles pour leur créer des devises. Je pense qu’on n’en tient pas compte et que les consommateurs ne s’en rendent pas compte. Il faut leur faire comprendre que notre agriculture, une agriculture de qualité doit concurrencer les autres agriculteurs. Avec toutes les contraintes environnementales que l’on subit, la diminution des produits phytosanitaires, etc. qui nous empêchent de produire bon marché et avec des techniques plus coûteuses. Le consommateur ne se rend pas compte que l’on a beaucoup plus de frais de culture qu’avant pour produire un aliment de qualité, soit bio ou sans résidus. Je pense qu’il faut faire comprendre aux consommateurs qu’il est important de garder les producteurs agricoles dans nos villages, que nous devons aider les jeunes à reprendre des exploitations viables. Il en va de notre souveraineté alimentaire. On le voit bien maintenant avec ce qu’il se passe avec la crise de l’énergie. Il pourrait très bien arriver, un jour, une crise de l’alimentation et que nous terminions dépendants des pays tiers pour nous nourrir. Ce serait une grande catastrophe, je pense. Il est important de garder notre alimentation de qualité la plus proche possible de chez nous. Et les primes de l’Europe nous aident à produire un aliment de qualité, à prix abordable pour la plupart des consommateurs. »


3) Quel est le sujet sur lequel la position de la société a évolué positivement ?

« Je pense qu’il y a une prise de conscience positive mais pas dans toutes les tranches de la société, plutôt chez les gens un peu plus instruits, qui ont un peu plus les moyens de dépenser. Il y a un grand fossé entre les gens des villes qui veulent savoir, de plus en plus, d’où vient leur alimentation, comment elle a été produite, par qui, … et les autres personnes qui veulent juste payer le moins cher possible car, soit ils n’ont pas les moyens, soit ils veulent consacrer leur budget à autre chose. Mais je pense que, tout doucement, il y a des gens qui se rendent compte qu’une alimentation locale, de qualité est meilleure pour la santé, pour l’environnement, pour la création d’une chaîne de valeurs afin que l’argent reste dans l’économie locale. Il y a beaucoup de prise de conscience de ce côté-là. Je pense qu’il faudrait essayer de développer plus, que les pouvoirs politiques devraient nous aider à plus communiquer sur la prise de conscience de l’alimentation locale pour l’environnement et les chaînes de valeurs. »